Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/262

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dité ; et dès lors il serait absurde que ses lois si bien établies ne dussent servir qu’à l’avantage particulier de cet atome. Si les propriétés d’un astre opposent des obstacles naturels à son peuplement, il restera inhabité, bien qu’il eût été mieux en soi qu’il eût des habitants. La magnificence de la création n’y perd rien, car le caractère de l’infini est de ne diminuer en rien par la soustraction d’une quantité finie. Ce serait comme si l’on voulait se plaindre de ce que l’espace entre Mars et Jupiter reste inutilement vide et n’est peuplé que de comètes, qui n’ont pas d’habitants. En fait, l’insecte de tout à l’heure peut nous paraître aussi infime qu’on voudra : la nature est certainement plus intéressée à la conservation de son espèce entière qu’à l’existence possible sur quelque région déserte d’un petit nombre de créatures plus excellentes, dont il existe ailleurs un nombre infini. Par cette raison qu’elle est inépuisable dans la production de ces deux espèces de créatures, elle abandonne sans souci leur conservation et leur mort à l’action des lois générales. Le propriétaire de ces forêts habitées qui ornent la tête d’un mendiant a-t-il jamais fait parmi les membres de cette colonie de plus grands massacres que n’en a fait le fils de Philippe parmi ses concitoyens, lorsque son mauvais génie lui eut mis en tête que le monde n’avait été créé que pour son bon plaisir ?

Il n’en est pas moins vrai que la plupart des planètes sont certainement habitées et que celles qui ne le sont pas le deviendront un jour. Comment varient maintenant les caractères des habitants de ces astres, suivant la position de leur demeure dans le monde relativement au centre du système, d’où émane la chaleur qui vivifie tout ? Il est bien certain que cette chaleur, agissant diversement sur les matériaux de ces astres en proportion de la distance, établit entre leurs propriétés des rapports déterminés. L’homme, qui, de toutes les créatures raisonnables, est celle que nous connaissons le mieux, quoique sa nature intime soit encore pour nous un mystère insondable, doit nous servir de base et de point de repère général pour cette comparaison. Nous n’avons pas d’ailleurs à le considérer ici au point de vue de ses propriétés morales ni même de sa conformation physique ; nous avons seulement à voir jusqu’à quel point et comment la faculté de penser raisonnablement et le mouvement de son corps obéissant à la pensée sont limités par les propriétés de la matière à laquelle l’homme est uni, propriétés