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I

M. Mallarmé a été, d’abord, un poète Parnassien. Les poètes Parnassiens, avec leurs rares prédécesseurs au seizième siècle et dans la première moitié du nôtre, tâchaient à édifier enfin la Poésie, forme tard venue de l’Art. Le vers avait été, d’origine, un appareil mnémonique : longtemps il avait survécu, tel, à son utilité. Les Parnassiens ont cru que les pensées dites poétiques, et les vives images, pourraient être mieux exprimées, plus commodément, par une prose : que la Poésie n’était pas à traduire, avec toute sorte de déformations, des récits, paysages ou doctrines, mais à évoquer dans les âmes des émotions musicales, différentes de celles que pouvait suggérer la Musique. Une séculaire habitude des langages a lié, dans notre esprit, telle syllabe à telle émotion : les Parnassiens ont voulu achever ce langage poétique ; ils tentèrent une symphonie des mots, éployant, en modes variés, rythmes et sonorités.

Toutefois, par quelque respect des conventions, ou peut-être une incomplète conscience de leurs fins, ils ont maintenu l’usage de « sujets » directement exprimés dans les paroles de leurs vers. Ils ont seulement, pour rendre plus facile leur tâche de musiciens, choisi des sujets à dessein banals ou vides : des sentences proverbiales, des peintures souvent tracées, tout le répertoire des vieilles romances et des exclamations pessimistes. Ils ont encore affecté être impassibles, voulant que leur dédain des choses à dire parût ainsi mieux justifié. Ils ont adapté leurs poèmes en des formes fixes, sonnets, ballades, rondels, sous un harnachement rigou-