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souverain de la Scène, que pour d’autres on avait préparée ; et voici que le Poète lui-même, tandis que s’effondre le mobilier des poésies, salue, ébloui, l’usurpateur du Temple qu’il rêvait.

… La forme spéciale de M. Mallarmé est toute en ce poème : le sujet nettement indiqué par des mots saillants, l’émotion traduite par le ton général de la mélodie ; et le crescendo rayonnant des deux tercets ; et ces vers, dont le sens est bellement atténué, afin qu’ils soient de pures musiques :

A propager de l’aile un frisson familier.

et :

Trompettes tout haut d’or pâmé sur les vélins.

Autre exemple : un sonnet récent, publié ici-même.

Le poète allait, rêveusement, vers une femme adorée : il allait par la tiédeur pâle d’un soir, tandis que l’accompagnait, pareil à quelque char fabuleux, le cortège mobile des blonds nuages, ombrant la tache embrasée du soleil. Le poète, allait, entraîné vers Elle par le beau char automnal ; maintenant il dit l’émotion légère et noble qui l’éperd, l’Amour, vainqueur enfin des pensives joies :

M’introduire dans ton histoire
C’est en héros effarouché
S’il a du talon nu touché
Quelque gazon de territoire

A des glaciers attentatoire
Je ne sais le naïf péché
Que tu n’auras pas empêché
De rire très haut sa victoire