Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/133

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En prenant la route de Moneng (Moneins), je suis tombé sur une scène si nouvelle pour moi en France, que j’en pouvais à peine croire mes yeux. Une longue suite de chaumières bien bâties, bien closes et confortables, construites en pierres et couvertes en tuiles, ayant chacune son petit jardin entouré d’une baie d’épines nettement taillée, ombragé de pêchers et d’autres arbres à fruits, de beaux chênes épars dans les clôtures, et çà et là de jeunes arbres traités avec ce soin, cette attention inquiète du propriétaire, que rien ne pourrait remplacer. De chaque maison dépend une ferme, parfaitement enclose ; le gazon des tournières dans les champs de blé est fauché ras, et ces champs communiquent ensemble par des barrières ouvertes dans les haies. Les hommes portent des bonnets rouges comme les montagnards d’Ecosse. Quelques parties de l’Angleterre (là où il reste encore de petits Yeomen) se rapprochent de ce pays de Béarn, mais nous en avons bien peu d’égales à ce que je viens de voir dans ma course de douze milles de Pau à Moneng. Il est tout entre les mains de petits propriétaires sans que les fermes se morcèlent assez pour rendre la population misérable et vicieuse. Partout on respire un air de propreté, de bien-être et d’aisance qui se retrouve dans les maisons, dans les étables fraîchement construites, dans les petits jardins, dans les clôtures, dans la cour qui précède les maisons, jusque dans les mues de volailles et les toits à porcs. Peu importe au paysan que son porc soit mal abrité, si son propre bonheur tient à un fil, à un bail de neuf ans. Nous sommes en Béarn, à quelques milles du berceau d’Henri IV. Serait-ce de ce bon prince qu’ils tiennent tant de bonheur ? Le génie bienveillant de cet excellent monarque semble régner encore sur le pays : chaque paysan y a la poule au pot. — 34 milles.