Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/132

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les canaux, amenant aux basses région, les eaux des sommets ; leurs pentes offrent l’aspect de la plus riche et la plus luxuriante végétation. Çà et là s’éparpillent quelques bouquets de bois que le hasard a groupés avec un merveilleux bonheur pour jeter de la variété. La saison, en mélangeant l’or des blés mûrs avec le vert des prairies, colorait vivement ce paysage, qui est en somme, pour les formes et les teintes, le plus exquis dont nos yeux se soient récréés. — Pris le chemin de Lourdes ; on y tient garnison dans un château bâti sur le roc, rien que pour garder les prisonniers d’État envoyés ici par lettres de cachet. On en connaît sept ou huit qui y sont ; il y en a eu jusqu’à trente à la fois, arrachés par la main impitoyable d’une jalouse tyrannie, du sein des douceurs de la famille, enlevés à leurs femmes, à leurs enfants, à leurs amis, et condamnés pour des crimes ignorés d’eux, peut-être pour leurs vertus, à languir dans ce séjour de douleur et à y mourir de désespoir ! O liberté ! liberté ! Et ce gouvernement est encore, après le nôtre, le plus doux de ceux d’Europe. Les décrets de la Providence semblent avoir permis à la race humaine d’exister, sous condition de servir de proie aux tyrans, comme elle a fait les pigeons pour les vautours. — 35 milles.

Le 12. — Pau est une ville considérable, ayant un Parlement et une manufacture de toile, mais elle est plus célèbre comme lieu de naissance d’Henri IV. J’ai vu le château, et on m’a montré, comme à tous les voyageurs, la chambre où Henri IV vint au monde et l’écaille de tortue qui lui servit de berceau. Influence des talents sur la postérité ! Voici une grande ville, mais je doute que rien y amenât l’étranger s’il n’y avait pas ce souvenir favori.