Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/161

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pendant un mois. C’est une mode nouvelle, en France, que de passer quelque temps à la campagne : dans cette saison et depuis plusieurs semaines Paris est comparativement désert. Quiconque a un château s’y rend, les autres visitent les plus favorisés. Cette révolution remarquable dans les habitudes françaises est certainement le meilleur emprunt fait à notre pays, et son introduction avait été préparée par les enchantements des écrits de Rousseau. L’humanité doit beaucoup à cet admirable génie, chassé, de son vivant, de pays en pays avec autant de fureur qu’un chien enragé, grâce à cet ignoble esprit de superstition qui n’a pas encore reçu le dernier coup.

Les femmes du premier rang, en France, rougiraient, à présent, de laisser allaiter leurs enfants par d’autres, et les corsets, qui si longtemps torturèrent, comme encore en Espagne, le corps de la pauvre jeunesse, sont universellement bannis. Le séjour à la campagne n’a pas encore produit d’effets aussi remarquables, mais ils n’en sont pas moins sûrs et n’amélioreront pas moins toutes les classes de la société.

Le duc de Liancourt, devant présider l’assemblée provinciale de l’élection de Clermont se rendit à la ville pour plusieurs jours et m’invita au dîner de l’assemblée, où se devaient trouver plusieurs agriculteurs en renom. Ces assemblées, proposées depuis de si longues années par les patriotes français et surtout par le marquis de Mirabeau, le célèbre ami des hommes ; reprises par M. Necker, et jalousées par certaines personnes ne voyant pas de gouvernement meilleur que celui sur les abus duquel se fondait leur fortune, ces assemblées, dis-je, m’intéressaient au plus haut point. J’acceptai l’invitation avec plaisir. Il s’y trouvait trois grands cultivateurs, non pas propriétaires, mais fermiers.