Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/162

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J’examinai avec attention leur conduite en face d’un grand seigneur du premier rang, d’une fortune considérable et très haut en l’estime du roi ; à ma grande satisfaction ils s’en tirèrent avec une aisance et une liberté fort convenables quoique modestes, d’un air ni trop dégagé ni trop obséquieux pour être en désaccord avec nos idées anglaises. Ils émirent leur opinion librement et s’y tinrent avec une confiance convenable. Un spectacle plus singulier était la présence de deux dames au milieu de vingt-cinq à vingt-six messieurs ; une telle chose ne se ferait pas en Angleterre. — Dire que les coutumes françaises l’emportent à cet égard sur les nôtres, c’est affirmer une vérité qui saute aux yeux. Si les femmes sont éloignées des réunions où l’entretien doit rouler sur des sujets plus sérieux que ceux qu’on traite d’ordinaire dans la conversation, elles resteront dans l’ignorance, ou bien se jetteront dans les extravagances d’une éducation exagérée, pédante, affectée, en un mot rebutante chez elles. L’entretien d’hommes s’occupant de choses importantes est la meilleure école pour une femme.

La politique, dans toutes les sociétés que j’ai vues, roulait beaucoup plus sur les affaires de Hollande que sur celles de France. Tout le monde parlait d’apprêts pour une guerre avec l’Angleterre ; mais les finances françaises sont dans un tel désordre, que les mieux informés la déclarent impossible. Le marquis de Vérac, dernier ambassadeur à La Haye (envoyé, disent les politiques anglais, pour soulever une révolution), a passé trois jours à Liancourt. On peut croire qu’il se montrait prudent au milieu d’une compagnie si mêlée ; mais il ne faisait pas mystère de ce que cette révolution qu’il était chargé de provoquer en Hollande pour changer le stathouder ou réduire son pouvoir, avait été