Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/164

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deux observations qui ne me semblent point avoir été faites par d’autres. Les deux lacs et la rivière présentent trois points de vue différents. On nous montra d’abord celui qui est si fameux par la petite île des Peupliers, dans laquelle repose ce qu’il y avait de périssable dans cet extraordinaire et inimitable écrivain. Ce paysage est parfaitement conçu et exécuté. Le lac a de quarante a cinquante acres ; des collines l’entourent de deux côtés, de hautes futaies ferment les autres de façon à l’isoler entièrement. Les restes du génie que nous avons perdu impriment à cette scène un caractère mélancolique auquel les ornements siéraient peu ; aussi n’y en a-t-il que quelques-uns. C’était par une soirée calme que nous le visitions. Le soleil, en se couchant, allongeait les ombres sur le lac, et le silence semblait reposer sur les eaux qu’aucun souffle ne ridait, comme le dit un poète, je ne sais lequel. Les hommes illustres à qui est dédié le temple des Philosophes, et dont les noms sont gravés sur ses colonnes, sont : Newton, Lucem ; Descartes, Nil in rebus inane ; Voltaire, Ridiculum  ; Rousseau, Naturam ; et, sur une autre colonne non terminée : Quis hoc perficiet ? L’autre lac est plus grand ; il remplit tout le fond de la vallée autour de laquelle s’élèvent des collines sauvages, de rochers ou de sable infertile, ou nues ou revêtues de bruyères ; quelques endroits sont boisés, d’autres parsemés de genièvres. Le caractère est ici celui d’une nature sauvage, l’art s’est caché autant qu’il était compatible avec un accès facile. Une rivière forme l’autre tableau, en serpentant au milieu d’une pelouse partant de la maison, parsemée de bouquets de bois. Le terrain est trop plat pour faire un heureux effet, nulle part on ne le voit à son avantage.

Le lendemain matin, nous allâmes d’Ermenonville à