Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/209

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la cherté du pain et l’exil du Parlement. La première est fort naturelle ; mais ce que je ne puis entendre, c’est cet amour pour le Parlement ; car tous ses membres sont nobles comme ceux des états, et nulle part la distinction entre la noblesse et les roturiers n’est si tranchée, si insultante, si oppressive, qu’en Bretagne. On m’assura, cependant, que la population avait été poussée par toutes sortes de manœuvres et même par des distributions d’argent. Les troubles présentaient une telle violence, avant que le camp ne fût établi, que la troupe fut incapable de maintenir l’ordre. M. Argentaise, pour lequel j’avais des lettres, eut la bonté de me servir de guide pendant les quatre jours que je passai ici. Il fait bon marché vivre à Rennes, et cela me frappe d’autant plus, que je sors de Normandie, où tout est à un prix extravagant. La table d’hôte, à la Grande-Maison, est bien tenue : à dîner il y a deux services abondamment pourvus d’excellents mets, et un très grand dessert bien composé ; à souper un bon service, un fort morceau de mouton et un délicieux dessert. Chaque repas se paye, avec le vin ordinaire, 40 sous ; pour 20 sous en plus, vous avez de très bon vin ; l’entretien du cheval 30 sous ; en tout cela ne fait (avec du vin de choix) que 6 livres 10 sous par jour ou 5 shill. 10 ds. Cependant on se plaint que le camp a fait hausser tous les prix.

Le 5. — Montauban. Les pauvres ici le sont tout à fait ; les enfants terriblement déguenillés, et plus mal peut-être sous cette couverture que s’ils restaient tout nus ; quant aux bas et aux souliers, c’est un luxe hors de propos. Une charmante petite fille de six à sept ans, qui jouait avec une baguette et souriait, avait sur elle de tels haillons, que mon cœur s’en serra : on ne mendiait