Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/229

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ne puis m’empêcher de noter ici la fatalité qui semble poursuivre les gentilshommes campagnards lorsqu’ils veulent s’occuper d’industrie ou de commerce. Je n’ai jamais vu, en Angleterre, un propriétaire foncier, avec l’éducation et les habitudes qu’entraîne cette qualité, s’adonner à l’une ou à l’autre sans être infailliblement ruiné, ou, du moins, sans faire des pertes ; soit que les idées et les principes du commerce aient en eux quelque chose qui répugne aux sentiments qui doivent découler de l’éducation, soit que le peu d’attention que les gentilshommes campagnards donnent ordinairement aux petits bénéfices et aux petites économies, qui sont l’âme du commerce, leur rendent le succès impossible ; quelle qu’en puisse être la cause, le fait est tel ; il n’y en a pas un sur un million qui réussisse. L’amélioration de leurs terres est la seule spéculation qui leur soit permise ; et quoique l’ignorance en rende l’essai dangereux quelquefois, cependant ils y courent moins de risques que dans toute autre tentative. Le vieux laboureur, dont le nom est Piron (aussi propice, je pense, à la culture qu’à l’esprit), étant arrivé, nous sortîmes pour parcourir ce que je regardais comme une terre classique. Je m’arrêterai peu sur les détails : ils font bien meilleure figure dans le Mémoire sur les défrichements qu’à Tourbilly. Les prairies, même près du château, sont encore bien inégales ; en général, tout est assez grossièrement fait ; mais les peupliers dont le marquis parle dans ses Mémoires sont bien venus, et font honneur à son nom ; ils ont soixante à soixante-dix pieds de haut et un pied de circonférence ; les saules sont aussi beaux. Que n’étaient-ce des chênes, pour garder aux fermiers voyageurs du siècle à venir le bonheur que j’éprouve en contemplant ces peupliers plus périssables. Les chaussées