Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/238

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la route, faisant un zigzag pour descendre plus doucement la côte, présente à l’un de ces coudes la plus belle vue de ville que j’aie jamais contemplée. La cité avec ses églises, ses couvents et sa cathédrale, qui s’élève fièrement au milieu, remplit la vallée. Le fleuve présente une belle nappe, traversée par un pont, avant de se diviser en deux bras qui enceignent une grande île couverte de bois ; le reste du paysage, parsemé de verdure, de champs cultivés, de jardins et d’habitations, achève ce tableau en parfaite harmonie avec la grande cité qui en forme l’objet principal. Visité M. d’Ambournay, secrétaire de la Société d’agriculture, absent alors de mon premier passage ; nous eûmes un entretien très intéressant sur l’agriculture et les moyens de l’encourager. J’appris, de cet ingénieux savant, que sa méthode de l’emploi de la garance verte, qui fit il y a quelques années tant de bruit dans le monde agricole, n’est à présent nulle part en pratique ; ce n’est pas qu’il ne persiste à la croire bonne. Le soir, à la comédie, mademoiselle Crétal, de Paris, jouait Nina : c’est la plus grande fête que m’ait donnée le théâtre en France. Elle s’en acquitta avec une expression inimitable, et une tendresse, et une naïveté, et une élégance qui s’emparaient de tous les sentiments du cœur, contre lesquels la pièce a été écrite. Sa physionomie est aussi gracieuse que sa figure est belle ; dans son jeu rien n’est de trop, elle suit en tout la simplicité de la nature. La salle était comble ; des guirlandes de fleurs et de lauriers jonchèrent le théâtre ; ses camarades la couronnèrent ; mais elle, elle retirait modestement de sa tête chaque couronne que l’on essayait d’y placer. — 20 milles.

Le 14. — Pris la route de Dieppe. Vallée couverte