Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/244

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en apparence assez légère est qu’elle peut, par la suite, décider la manière de tenir séance, en chambres séparées ou en une seule assemblée. Ceux qu’échauffe l’intérêt du peuple déclarent qu’il sera impossible de réformer quelques-uns des plus grands abus de l’État, si la noblesse, siégeant à part, peut mettre à néant les vœux du peuple, et que donner un tel veto au clergé serait plus absurde encore. Si, au contraire, par la vérification des pouvoirs en commun, les trois ordres se trouvent réunis, le parti populaire pense qu’il ne restera pas de puissance capable de les séparer. La noblesse et le clergé prévoient le même résultat et ne veulent pas en conséquence s’y prêter. Dans ce dilemme, il est curieux d’examiner les sentiments du jour. Ce n’est pas mon affaire d’écrire des mémoires sur ce qui se passe, mais mon attention se porte à saisir, autant que je le peux, l’opinion qui prévaut dans le moment. Pendant mon séjour à Paris, je verrai toute sorte de monde, depuis les politiques du café, jusqu’aux meneurs des états, et l’objet principal de notes rapides, comme celles que je jette sur le papier, sera de reproduire les impressions sur l’heure : plus tard, en les comparant avec les événements qui auront lieu, j’en retirerai tout au moins une distraction. Le fait le plus saillant du jour, c’est qu’aucune idée de communauté de périls et d’intérêts ne semble unir ceux qui, divisés, se trouvent incapables de résister au danger commun, naissant de la conscience qu’aura le peuple de sa force en face de leur faiblesse. Le roi, la cour, la noblesse, le clergé, l’armée et le parlement sont à peu près dans la même situation. Tous voient, avec une égale frayeur, les idées de liberté qui circulent aujourd’hui. Seul, le roi, pour des raisons très simples à qui connaît son caractère, se tourmente peu, même des circonstances qui