Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/243

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étourdi de leurs chansons ; j’ai eu les oreilles tellement rebattues d’airs français, que j’aurais presque préféré faire la route les yeux bandés sur un âne. Je perds patience en semblable compagnie. Voilà ce que les Français appellent de la gaieté, et non pas une véritable émotion du cœur ; ils ne disent mot ou ils chantent ; pour de la conversation, ils n’en ont aucune. Le ciel m’afflige d’une jument aveugle, plutôt que d’une autre diligence ! Après avoir passé la nuit aussi bien que le jour sur le chemin, nous arrivâmes à Paris à neuf heures du matin. — 102 milles.

Le 8. — Visite à mon ami Lazowski, pour savoir où était le logement que je lui avais écrit de me louer ; mais ma bonne duchesse d’Estissac ne lui a pas permis de faire cette commission. Je trouvai dans son hôtel un appartement tout préparé pour moi. — Paris est à présent dans une telle fermentation, à propos des états généraux tenus à Versailles, que la conversation est absorbée par eux. On ne parle pas d’autre chose. Tout est considéré, et à juste titre, comme important, dans une telle phase de la destinée de vingt-cinq millions d’hommes. Il y a maintenant une discussion sérieuse, pour savoir si les représentants s’appelleront communes ou tiers état ; eux-mêmes se donnent constamment ce premier titre, que la cour et la noblesse rejettent avec une sorte de crainte, comme s’il recouvrait un sens dangereux à approfondir. Mais ce sujet est de peu d’importance en regard d’un autre qui a retenu, pendant quelque temps, les états dans l’inaction, le mode de vérification des pouvoirs, séparément ou en commun. La noblesse et le clergé sont pour le premier, mais les communes s’y refusent avec fermeté : la raison qui fait qu’on s’attache aussi obstinément à une chose