Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chef, et ils sont si hostiles à M. Necker que la confusion touche au dernier degré. Mais le roi, qui personnellement est le plus honnête homme du monde, n’a d’autres souhaits que de faire le bien. Cependant, dénué de ces qualités dominantes qui mettent l’homme à même de prévoir les difficultés et de les éviter, il ne sait à quels conseils se vouer.

On dit que M. Necker tremble pour son pouvoir, et il circule sur son compte des anecdotes peu à son avantage, et probablement fausses : il aurait intrigué pour se faire bien venir de l’abbé de Vermont, lecteur de la reine, dont l’influence est grande dans les choses dont il veut bien se mêler : c’est peu croyable, car ce parti est excessivement contraire a M. Necker, et l’on raconte même qu’il y a deux jours, le comte d’Artois, madame de Polignac et quelques autres rencontrant madame Necker dans le jardin privé de Versailles, où ils se promenaient, s’abaissèrent jusqu’à la siffler. S’il y avait la moitié de vrai là-dedans, il est clair que le ministre devrait se retirer au plus vite. Tous ceux qui adhèrent à l’ancienne constitution, ou plutôt à l’ancien gouvernement, le regardent comme leur ennemi mortel, disant, avec raison, qu’à son entrée aux affaires il aurait pu tout ce qu’il aurait voulu, le roi et le royaume étaient entre ses mains ; mais que les erreurs dont il s’est rendu coupable, par faute de plans bien arrêtés, ont été cause de tout le mal qu’on a éprouvé depuis. Ils l’accusent hautement de la réunion des notables, comme d’une fausse démarche qui n’a rien produit que de mauvais, et ils ajoutent que c’était une folie de laisser le roi se rendre aux états généraux avant que leurs pouvoirs fussent vérifiés, et les mesures nécessaires prises pour conserver la séparation des ordres, surtout après avoir accordé le doublement du tiers. Il aurait dû nommer des commissaires