Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/261

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par le temps qu’il faut pour consommer la plus grande partie de cette récolte. « Cela nous suffit, si nous ne pouvons faire du blé après les racines ; elles ne valent rien pour la France. » Cette idée est partout à peu près la même en ce royaume. Je leur dis alors qu’ils pourraient n’emblaver que la moitié de leurs terres et être cependant de bons cultivateurs. Ainsi, par exemple : 1o des fèves ; 2o du blé ; 3o des lentilles ; 4o du blé ; 5o du trèfle ; 6o du blé ; cela leur convint mieux, bien que leur méthode leur parût plus profitable. La chose la plus intéressante dans leur culture est la chicorée (Chicorium intybus). Je fus satisfait de voir que M. Creté de Palieul en avait aussi bonne opinion que jamais, que son frère l’avait adoptée, et qu’elle réussissait très bien dans leurs fermes et celles de quelques voisins. Je ne vois jamais cette plante sans me féliciter d’avoir voyagé pour quelque chose de plus que pour écrire dans un cabinet, sans me dire que son introduction en Angleterre serait assez pour que l’on dît d’un homme que ce n’est pas en vain qu’il a vécu. J’en parlerai plus tard, ainsi que des expériences de M. Creté.

Le 17. — Toutes les conversations roulent sur la motion de l’abbé Sieyès, que l’on croit devoir être votée, bien qu’on lui préfère celle du comte de Mirabeau. Mais sa réputation le paralyse : on le soupçonne d’avoir reçu 100,000 livres de la reine ; bruit aveugle, improbable. S’il était vrai, sa conduite serait très différente ; mais quand un homme n’a pas été exempt des plus grandes erreurs (pour parler modérément), les soupçons l’accompagnent sans cesse, quoiqu’il soit aussi innocent de ce qui les cause que le plus pur de leurs patriotes. Ce bruit en éveille d’autres ; ainsi que c’est à son instigation qu’il a publié ses anecdotes sur