Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/262

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la cour de Berlin, et que le roi de Prusse, informé de cette publication, a fait répandre par toute l’Allemagne les Mémoires de madame de la Mothe. Voilà les histoires éternelles, les soupçons et les absurdités pour lesquelles Paris a toujours été si fameux. On voit aisément toutefois, par la tournure de la conversation, même sur le sujet le plus ridicule, pourvu qu’il soit d’intérêt public, jusqu’où va la confiance en certains hommes, et sur quoi elle est fondée. Dans toutes les sociétés, quelle que soit leur composition, vous entendez vanter les talents du comte de Mirabeau ; c’est le premier écrivain, c’est le premier orateur de France. Il ne pourrait cependant compter sur six votes de confiance dans les états. Ses écrits toutefois se répandent par tout Paris et dans les provinces ; il a publié un Journal des états ; mais quelques numéros furent d’une telle force, d’une telle témérité, que le gouvernement lui imposa silence par ordre exprès. On attribue ce coup à M. Necker, dont la vanité était blessée au vif par le peu de cérémonie avec lequel on le traitait. Tel était le nombre des souscripteurs, que j’ai entendu mettre à 80,000 liv. (3,500 l. st.) par an le profit de M. de Mirabeau. Depuis cette suppression il publie, une ou deux fois par semaine, un petit pamphlet répondant au même but de donner un compte rendu des débats ; il y met pour titre : 1re, 2e, 3e Lettres du comte de Mirabeau à ses commettants. Quoique pleins de violence, de sarcasme et de sévérité, la cour, arrêtée sans doute par ce titre, n’a pas trouvé à propos de les suspendre. Il y a de la faiblesse et de la lâcheté à prohiber ainsi une seule publication, parmi tant d’autres qui font gémir la presse, et dont la tendance manifeste est de renverser l’état de choses actuel. D’un autre côté, c’est folie et aveuglement de permettre que de pareils pamphlets circulent dans tout