Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/283

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son état, sa religion, son pays. Je ne me permettrais pas un instant de croire que les représentants puissent jamais assez oublier leurs devoirs envers la nation française, l’humanité, leur propre honneur, pour que des vues impraticables, des systèmes chimériques, de frivoles idées d’une perfection imaginaire, arrêtent leurs progrès et détournent leurs efforts de la voie certaine pour engager dans les hasards des troubles les bienfaits assurés qu’ils ont en leur puissance. Je ne concevrai jamais que des hommes ayant sous la main une renommée éternelle, jouent ce riche héritage sur un coup de dés, au risque d’être maudits comme les aventuriers les plus effrénés qui aient jamais fait honte à l’humanité. Le duc de Liancourt ayant une collection de brochures, puisqu’il achète tout ce qui se publie sur les affaires présentes, et entre autres les cahiers de tous les districts et villes de France pour les trois ordres, il y avait pour moi un grand intérêt de parcourir tous ces cahiers, dans la certitude d’y trouver l’énumération des griefs des trois ordres et l’indication des améliorations à apporter au gouvernement et à l’administration. Les ayant tous parcourus la plume à la main pour en faire des extraits, je quitterai Paris demain.

Le 28. — M’étant pourvu d’un cabriolet français (ce qui répond à notre gig) et d’un cheval, je me mis en route après avoir pris congé de mon excellent ami M. Lazowski, dont l’inquiétude sur le sort de son pays m’inspirait autant de respect pour son caractère que les mille attentions que chaque jour je recevais de lui m’avaient donné de raisons pour l’aimer. Ma bonne protectrice, la duchesse d’Estissac, eut la bonté de me faire promettre de revenir chercher l’hospitalité dans son hôtel, au terme du voyage que j’allais entreprendre.