Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/319

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(qui compte ici 1,200 hommes, dont 200 toujours sous les armes) prenait ainsi le pas sur les troupes royales. « Par cette excellente raison, me fut-il répondu : les troupes seraient attaquées et massacrées par la populace, tandis qu’elle ne résistera pas à la garde bourgeoise. » Ce paysan, riche propriétaire dans un village où il se commet beaucoup de pillages et d’incendies, était venu chercher une sauvegarde. Les dégâts faits du côté des montagnes et de Vesoul sont aussi nombreux que repoussants. Bien des châteaux ont été brûlés, d’autres livrés au pillage, les seigneurs traqués comme des bêtes fauves, leurs femmes et leurs filles enlevées, leurs papiers et leurs titres mis au feu, tous leurs biens ravagés ; et ces abominations n’ont pas atteint seulement des personnes marquantes, que leur conduite ou leurs principes avaient rendues odieuses, mais une rage aveugle les a étendues sur tous pour satisfaire la soif du pillage. Des voleurs, des galériens, des mauvais sujets de toute espèce, ont poussé les paysans aux dernières violences. Quelques personnes m’informèrent à table d’hôte que des lettres reçues du Mâconnais, du Lyonnais, de l’Auvergne, du Dauphiné, etc., rapportaient des faits semblables et la crainte où l’on était qu’ils ne se reproduisissent par tout le royaume. La France est incroyablement en arrière pour ce qui touche aux communications. Depuis Strasbourg jusqu’ici, je n’ai pas pu voir un journal. Ici, j’ai demandé le cabinet littéraire, il n’y en a pas ; les gazettes, on les reçoit au café. C’est très aisé à répondre, mais moins aisé à trouver. Il n’y avait que la Gazette de France, pour laquelle, en ce moment, un homme sensé n’eût pas donné un sou. J’allai dans quatre autres maisons ; les unes n’avaient pas même le Mercure ; au café Militaire, le Courrier de l’Europe remontait à une quinzaine, et des