Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/320

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personnes à l’air respectable s’entretiennent maintenant des nouvelles d’il y a deux ou trois semaines, et montrent clairement par leurs discours qu’elles ne savent rien de ce qui se passe. Dans toute la ville de Besançon, je n’ai trouvé ni le Journal de Paris, ni aucun autre donnant le détail des séances des états ; c’est cependant la capitale d’une province grande comme une demi-douzaine de nos comtés anglais et contenant 25,000 âmes, et, ce qui est étrange à dire, la poste n’y vient que trois fois par semaine ! Dans un moment où il n’y a ni droit de timbre ni censure, comment n’imprime-t-on pas à Paris un journal pour les provinces, en ayant soin d’en prévenir par des affiches et des placards le public auquel il serait destiné ! On croit en province que les députés sont à la Bastille, tandis que la Bastille est démolie ; et le peuple, dans son erreur, pille, brûle et dévaste. Cependant, malgré cette ignorance honteuse, on voit tous les jours aux états des hommes qui se disent fiers d’appartenir à la première nation de l’Europe, au plus grand peuple de l’univers ! Croient-ils donc que ce sont les assemblées politiques ou les cercles littéraires d’une capitale qui constituent un peuple, et non la diffusion rapide des lumières parmi des esprits préparés par l’habitude du raisonnement à recevoir la vérité et à en faire l’application ? Que cette affreuse ignorance de la masse sur ses intérêts soit l’œuvre de l’ancien gouvernement, personne n’en doutera. Si, ce qu’il y a de grandes raisons de croire, la noblesse dans toute la France est traquée comme en Franche-Comté, il est curieux de voir cet ordre entier souffrir pareille proscription, comme un troupeau de moutons, sans opposer la moindre résistance. Cela confond de la part d’un corps qui a sous la main une armée de 150,000 hommes ; sans doute, une partie de