Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/321

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ces troupes se révolterait ; mais on doit cependant bien compter que les 40,000, peut-être 100,000 nobles de France, pourraient remplir la moitié des rangs de l’armée royale d’hommes qui leur seraient unis par une communauté d’idées et d’intérêts. Mais il n’existe ni réunions, ni associations entre eux, ni relations avec les soldats ; ils ne savent pas chercher sous les drapeaux un refuge pour défendre leur cause ou la venger ; heureusement pour la France, ils tombent sans lutte et meurent sans qu’on les frappe. Ce mouvement universel de l’intelligence, qui, en Angleterre, transmet avec la rapidité de la foudre, d’un bout du royaume à l’autre, la moindre émotion ou la moindre alarme, ne se retrouve pas en France. Aussi peut-on dire, et peut-être avec vérité, que la chute du roi, de la cour, des pairs, des nobles, de l’armée, de l’Église et des parlements, est due aux suites mêmes de l’esclavage dans lequel ils ont tenu le peuple ; que c’est, par conséquent, un juste salaire plutôt qu’un châtiment. — 18 milles.

Le 28. — Hier, à table d’hôte, quelqu’un raconta comment on l’avait forcé à s’arrêter à Salins, faute d’un passeport, et les ennuis qu’il y avait eu à subir. Je trouvai donc nécessaire de m’en procurer un, et me rendis pour cela au bureau, dans la maison d’un M. Bellamy, avocat, avec qui j’eus la conversation suivante :

« Mais, Monsieur, qui me répondra de vous ? Est-ce que personne vous connaît ? Connaissez-vous quelqu’un à Besançon ? — Non, personne ; mon dessein, était d’aller à Vesoul, d’où j’aurais eu des lettres ; mais j’ai changé de route à cause de ces tumultes. — Monsieur, je ne vous connais pas, et si vous êtes inconnu à Besançon, vous ne pouvez avoir de passeport. — Mais voici mes lettres ; j’en