Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/359

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passe-port fut signé, on m’assura de tous les bons offices dont je pourrais avoir besoin, et ces messieurs me congédièrent en hommes bien élevés. Je leur contai la façon dont j’avais été traité à Thuytz, ils la condamnèrent fortement. Saisissant l’occasion, je leur demandai où se trouvait Pradel (Pradelles), terre d’Olivier de Serres, le fameux écrivain français sur l’agriculture du temps d’Henri IV. On me fit voir sur-le-champ par la fenêtre sa maison de ville, en ajoutant que Pradelles était à moins d’une demi-lieue. Comme c’était une des choses que j’avais notées avant de venir en France, je ne fus pas peu satisfait de ces renseignements. Pendant cet interrogatoire, le maire m’avait présenté à un monsieur qui avait fait une traduction de Sterne ; à mon retour à l’auberge je vis que c’était M. de Boissière, avocat général au parlement de Grenoble. Je ne voulus pas quitter cette ville sans connaître un peu une personne qui s’était distinguée plus d’une fois par sa connaissance de la littérature anglaise : j’écrivis donc un billet où je lui demandai la faveur de m’accorder un entretien avec un homme qui avait fait parler à notre inimitable auteur la langue du peuple qu’il aimait tant. M. de Boissière vint immédiatement, m’emmena chez lui, me présenta à sa femme et à quelques amis, et comme je montrais beaucoup d’intérêt pour ce qui avait rapport à Olivier de Serres, il me proposa une promenade à Pradelles. On croira aisément que cela entrait trop bien dans mes goûts pour refuser, et j’ai rarement passé de soirée plus agréable. Je contemplais la demeure de l’illustre père de l’agriculture française, de l’un des plus grands écrivains sur cette matière qui eussent alors paru dans le monde, avec cette vénération que ceux-là sentent seuls qui se sont adonnés à quelques recherches particulières et