Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/358

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de la ville, des moulins pour le dévidage de la soie qui sont considérables.

Villeneuve-de-Berg. — J’ai été traqué immédiatement par la milice bourgeoise. Où est votre certificat ? Puis la difficulté ordinaire : qu’il ne contenait pas de signalement. Pas de papiers ? La chose était, disaient-ils, de grande importance, et chacun d’eux parlait comme s’il se fût agi d’un bâton de maréchal. Ils m’accablèrent de questions et finirent par me déclarer suspect, ne pouvant concevoir qu’un fermier de Suffolk vînt voyager dans le Vivarais. Avait-on jamais entendu parler de voyages entrepris par intérêt pour l’agriculture ? Il fallait emporter mon passe-port à l’Hôtel de ville, assembler le conseil permanent et mettre un homme de faction à ma porte. Je leur répondis qu’ils pouvaient faire ce que bon leur semblait, pourvu qu’ils ne m’empêchent pas de dîner, parce que j’avais faim ; ils se retirèrent. À peu près une demi-heure ensuite, un homme de bonne mine, croix de Saint-Louis, vint me faire quelques questions très polies et ne sembla pas conclure de mes réponses qu’il y eût en ce moment de conspiration très dangereuse entre Marie-Antoinette et A. Young. Il sortit en me disant qu’il espérait que je n’aurais à rencontrer aucune difficulté. Une autre demi-heure se passa et un soldat vint me prendre pour me conduire à l’Hôtel de ville, où le conseil était assemblé. On me posa de nombreuses questions, et j’entendis quelquefois s’étonner qu’un fermier anglais voyageât si loin pour observer l’agriculture, mais d’une manière convenable et bienveillante ; et quoique ce voyage parût aussi nouveau que celui de ce philosophe ancien qui faisait le tour du monde monté sur une vache et se nourrissant de son lait, on ne trouva rien d’invraisemblable dans mon récit, mon