Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des importations et des exportations de blé, le lut comme une citation tirée de M. Arthur Young. Ceci me donna l’occasion de leur dire que j’étais ce Young, et fut pour moi la plus heureuse des présentations. Impossible d’être mieux reçu et avec plus d’offres de services le cas échéant. J’expliquai le changement qui s’était fait sous ce rapport par un très grand accroissement de population, cause qui agissait encore avec plus d’énergie que jamais. Notre conversation se tourna ensuite sur l’agriculture et l’état actuel des affaires, que tous deux pensaient aller mal : ils ne craignaient rien tant qu’un gouvernement purement démocratique, une sorte de république pour un grand pays comme la France. J’avouai alors l’étonnement que j’avais ressenti tant de fois de ce que M. Necker n’ait pas assemblé les états sous une forme et avec un règlement qui auraient conduit naturellement à l’adoption de la constitution d’Angleterre, débarrassée des taches que le temps y a fait découvrir. Sur quoi M. Bertrand me donna un pamphlet qu’il avait adressé à l’abbé Raynal, dans lequel il proposait de transporter dans la constitution française certaines dispositions de celle d’Angleterre. M. l’abbé Raynal fit remarquer que la révolution d’Amérique avait amené la révolution française ; je lui dis que, s’il en résultait la liberté pour la France, cette révolution avait été un bienfait pour le monde entier, mais bien plus pour l’Angleterre que pour l’Amérique. Ils crurent que je faisais un paradoxe, et je m’expliquai en ajoutant que, selon moi, la prospérité dont l’Angleterre avait joui depuis la dernière guerre surpassait, non seulement celle d’aucune période de son histoire, mais aussi celle de tout autre pays en aucun temps, depuis l’établissement des monarchies européennes ; c’est un fait prouvé par l’accroissement