Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/39

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trouvant à vivre, prospérant même là où le daim ne pourrait subsister [1].

On n’a pas obtenu sans peine que l’homme se résignât à faire place à la bête sauvage. Au moment où avec un ami je visitais les Highlands, un seigneur fort occupé de pareille substitution avait, de son bon plaisir, supprimé l’un des passages les plus fréquentés entre les contrées de Perth et d’Aberdeen, il avait rompu les ponts et, pour plus de sûreté, avait placé, aux bons endroits, de fidèles garde-chasses n’entendant pas un mot d’anglais et n’hésitant pas une minute à rosser les intrus.

Beaucoup d’étudiants envoyés par leurs professeurs pour voir en place une curieuse superposition des roches ignées aux terrains de sédiment avaient rapporté des souvenirs bien plus marqués de leurs colloques avec ces solides montagnards. Le Punch avait même consacré de son crayon l’un de ces épisodes pittoresques. Désireux d’observer à notre tour un fait en désaccord avec les théories géologiques de l’époque, nous nous étions mis en route aux éclats de rire des gens de l’hôtel. Nous étions rassurés cependant, tellement rassurés qu’arrivés au moment redoutable, je hélai le gardien qui par deux fois traversa le torrent et nous prenant, mon compagnon puis moi, sur son dos, nous déposa sur l’autre rive sans échanger avec nous un seul mot ; une demi-couronne montrée de loin nous avait épargné le Chaneil sassenach beurla (je n’entends point l’anglais) que nous étions habitués à recevoir pour toute réponse depuis notre entrée dans le pays d’En-Haut. Notre bonne entente venait de ce qu’un autre accord achevait de se conclure à l’heure où nous quittions la ville. La commission (trustees) chargée de l’entretien des chemins avait attaqué devant les tribunaux le noble lord

  1. Voir l’Économiste français, samedi 1er avril 1881, p. 415. Le régime terrien en Angleterre, — Le sol et les landlords, par M. A. de Fontpertuis.