Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/418

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n’est pas facile d’imaginer une réponse. Selon les uns, ce sont des brigands venus à Paris, dans de sinistres intentions ; selon les autres, des gens de Versailles ; un troisième les dit Allemands, mais tous s’accordent à vouloir vous persuader qu’ils font partie d’un plan de contre-révolution. Les bruits sont si divers, si contradictoires, qu’il n’y a pas de confiance à y mettre ; on ne doit croire non plus que la dixième partie de ce qui se dit. Il est singulier, et cela a fait beaucoup parler, que La Fayette ne s’en est pas fié à l’armée, c’est-à-dire aux huit mille hommes soldés régulièrement, et dont les gardes françaises forment une grande partie ; mais que pour cette expédition il a pris seulement la bourgeoisie, ce qui a flatté ces derniers en raison de ce que les autres en ont eu du dépit. L’heure est grosse d’événements : il y a une anxiété, une attente, une incertitude visible dans tous les regards ; les hommes même qui sont le mieux informés et le moins susceptibles de se laisser égarer par les murmures de la foule, ne semblent pas dégagés de l’inquiétude de tentatives pour enlever le roi et culbuter l’Assemblée. Beaucoup croient aisé de faciliter la fuite du roi, de la reine et du Dauphin, sans danger pour eux, pourvu qu’une armée suffisante soit prête à les recevoir : les Tuileries sont très favorablement situées pour un tel dessein. Dans ce cas il s’ensuivrait une guerre civile, qui aboutirait au despotisme, quel que fût le vainqueur : par conséquent ce dessein ne saurait venir d’un vrai patriote. Si j’ai l’occasion de passer mon temps en bonne compagnie dans cette ville, il faut que j’en donne aussi à consulter des livres, des manuscrits, que je ne pourrais avoir en Angleterre ; je prends sur la nuit pour faire des extraits. J’ai aussi des documents publics, dont la copie exige du temps. Qui veut donner un bon aperçu d’un royaume comme la