Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/421

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alarmer grandement les meneurs de la révolution. Le dégoût, qui s’étend de plus en plus sur leurs mesures, vient plutôt de la position du roi que d’autre chose. Ils ne peuvent, après ce qui s’est passé, mettre le roi en liberté avant d’avoir achevé la constitution, et ils craignent également le changement qui s’opère en sa faveur dans les esprits. Dans cette alternative, on a projeté de persuader au roi de se rendre à l’Assemblée, de se déclarer satisfait des mesures qu’elle a prises, et de se montrer comme à la tête de la révolution en des termes qui excluent toute idée de contrainte à son égard. Voilà le plan favori ; il reste à persuader au roi de faire une démarche qui, selon toute apparence, lui enlèvera les avantages que l’esprit général des provinces aurait pu lui valoir : après une telle déclaration, il doit s’attendre à voir ses amis seconder les efforts du parti démocratique, en désespoir de l’efficacité de tout autre principe. On pense arriver là ; si cela se vérifie, ce serait le meilleur projet pour se débarrasser de la crainte des conspirations. J’ai couru les librairies, un catalogue à la main, pour rassembler des publications dont, malheureusement pour ma bourse, je sens le besoin, afin de connaître sous différents rapports l’état actuel de la France. Elles sont à présent si nombreuses, surtout en ce qui touche au commerce, aux colonies, aux finances, aux impôts, au déficit, etc., sans parler de la révolution elle-même, qu’il faut plusieurs heures par jour pour en diminuer le nombre à acheter, en les lisant la plume à la main. La collection que le duc de Liancourt a rassemblée dès le commencement de la révolution, à la réunion des notables, est prodigieuse : elle a coûté plusieurs centaines de louis. Très complète, elle sera par la suite de la plus grande valeur à consulter dans nombre de questions intéressantes.