Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/46

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sachant bien que le devoir rempli ne donnera satisfaction complète à personne.

On comprend très bien, en 1791, les vœux que faisaient les Français en faveur de Tippou-Sahib ; que Young y joignît les siens, il faut connaître toute la puissance des idées préconçues pour ne le pas trouver trop étrange. Certes, il eût été pour nous plus glorieux et plus profitable que l’Inde eût été pacifiée par Dupleix et Labourdonnaye plutôt que par Clive et Warren Hastings, mais elle l’a été au grand avantage du monde entier, de l’Inné la première, reconnaissons-le. Laissons l’envie, ce vice dégradant pour les nations comme pour les individus, aux peuples qui, n’ayant jamais servi que de fléau, ne savent que dénigrer les mérites réels des autres.

Le rôle principal de la civilisation consiste à restreindre le domaine de la force brutale : toute conquête est légitime qui part de ce principe, qu’elle se fasse sur la nature ou sur les hommes. L’entreprise des compagnies rivales dans les Indes ne portait pas d’abord ce caractère, et les aventuriers qui étaient à la tête s’en souciaient fort peu ; la gloire de ceux qui l’ont emporté a été justement d’affermir leur domination en la faisant reposer sur des bases équitables. Une seule conquête peut s’enorgueillir d’une origine vraiment pure, c’est notre prise de possession de la côte barbaresque. Qu’on lise les appels faits à la France par toute la chrétienté pour délivrer les plages méridionales de l’Europe des forbans dont le repaire bombardé tant de fois recouvrait toujours sa malfaisante énergie[1].

  1. Citons, entre autres, une brochure parue à Berlin en 1828 chez Duncker et Humblot (Wäre es nicht Zeit dem Unwesen der Afrikanischen Raubstaaten endlich ein Ziel zu setzen ?) avec cette épigraphe :

    Bellum justum quibus est necessarium,
    Et quibus nulla, nisi in armis, relinquitur spes.