Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/48

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venir ? À cette condition la guerre devenait un droit ; dans d’autres cas, contre les pirates algériens, contrôles Achantis, contre Théodoros, par exemple, c’est un devoir.

Mais ce n’est pas tout de faire le bien, il le faut bien faire, c’est-à-dire que pour qu’une œuvre soit durable et efficace elle ne doit pas imposer des sacrifices perpétuels. Les croisades ne durent qu’un moment, les guerres libératrices n’engendrent que mauvais vouloir envers les libérateurs, les établissements sur les terres désertes ou parmi des peuplades soit sauvages, soit barbares ne cessent, quand ils sont judicieusement conduits, de récompenser ceux qui les entreprennent et par là même assurent la persistance des bienfaits. Qu’on ne vienne donc pas s’apitoyer sur les détrousseurs du Sahara, les chasseurs d’esclaves du Soudan, les pirates malais ou chinois, les tribus féroces et pillardes du Caucase et du Turkestan ; une indépendance farouche qui ne s’entretient qu’au prix de la vie et du travail de voisins laborieux et paisibles n’a rien de commun avec la liberté. Si, par exemple, on ne réduit ces hordes belliqueuses que pour en tourner les instincts à son profit, les enrégimenter pour les lâcher sur le monde civilisé, faire en un mot ce qu’ont fait les Attila et les Gengis-kan, on s’attire l’exécration du genre humain, et que recueille-t-on en outre de ces rêves de domination universelle ?

Young avait donc tort en s’élevant contre les colonies ; sa passion pour la charrue l’éborgnait ; elle était puissamment aidée par les circonstances politiques : la perte des Provinces-Unies n’encourageait pas à y chercher un dédommagement dans l’ancien monde.

On doit supposer que l’expérience eût ramené cet homme si intelligent à des appréciations plus saines. Mais ce qu’il n’eût jamais admis, ce qu’il eût repoussé de tout son cœur, ce sont ces théories farouches renouvelées de