Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/86

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jour où lord Macartney devait arriver. Sentant ce que des démonstrations de joie publique, pour une victoire qui avait enlevé sa liberté à cet hôte distingué, auraient de pénible pour lui, l’évêque proposa à l’intendant de remettre la cérémonie à quelques jours plus tard, afin qu’elle ne le surprît point à l’improviste ; ce que fut convenu, et fait ensuite de manière à montrer autant d’attention pour les sentiments de lord Macartney que pour les leurs propres. L’évêque me dit que lord Macartney parlait mieux français qu’il ne l’aurait cru possible à un étranger, s’il ne l’avait entendu ; mieux que beaucoup de Français bien élevés.

La place d’intendant ici a été illustrée par un ami de l’humanité, Turgot, dont la réputation, bien gagnée dans cette province, le fit mettre à la tête des finances du royaume, comme on le peut voir dans son intéressante biographie, écrite par le marquis de Condorcet avec autant d’exactitude que d’élégance. La renommée laissée ici par Turgot est considérable. Les magnifiques chemins que nous avons suivis, si fort au-dessus de tout ce que j’ai vu en France, comptent parmi ses bonnes œuvres ; on leur doit bien ce nom, car il n’y employa pas les corvées. Le même patriote éminent a fondé une société d’agriculture ; mais dans cette direction, où les efforts de la France ont presque toujours été malheureux, il n’a rien pu faire, des abus trop enracinés lui barraient le chemin. Comme dans les autres sociétés, on s’assemble, on fait la conversation, on offre des prix et on publie des sottises. Il n’y a pas grand mal à cela ; le peuple, ne sachant pas lire, est bien loin de consulter les mémoires qu’on écrit. Il peut voir cependant, et si une ferme lui était présentée digne d’être imitée, il pourrait apprendre. Je