Page:Yver - Les Cousins riches.djvu/117

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d’Oyse, et, avec de bons chevaux, le trajet d’ici l’usine est bref.

Samuel ne discuta pas. Il dit seulement, tout en escaladant le siège pour rejoindre Freddy :

— La calèche, il faut la vendre.

Une bouffée d’indignation étouffa M. Martin d’Oyse. La première vision qu’il eut sur cette phrase fut celle de sa chère Elisabeth cahotée sur les routes de la vallée dans une auto boueuse. Pour lui, l’automobile avait un faux air de camionnage. C’était un véhicule commercial. Il fallait à la dignité des Martin d’Oyse, à leur souveraineté secrète et inavouée, l’appareil de l’attelage, l’ensemble harmonieux consacré par les siècles que forment deux trotteurs d’une finesse héraldique tirant comme sans effort le char aux formes paresseuses. Il se pencha vers l’oreille d’Élie :

— Tu as entendu ? demanda-t-il tout bas.

Un pli barrait le front d’Élie.

— Oui, j’ai entendu. Et ils ont raison, père.

La machine glissait silencieusement sur la route amollie par la rosée de mai. C’était comme une chute douce et ouatée au creux