Page:Zend-Avesta, trad. Anquetil-Duperron, volume 1.djvu/192

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DISCOURS

La Caſte des Tives eſt originaire de Ceylan. Voici ce qu’on rapporte de ſon arrivée à la Côte Malabare. La fille d’un Charpentier étant un jour allé trouver une de ſes amies, fille d’un Blanchiſſeur, pour l’engager à jouer avec elle, la trouva occupée à couler la leſcive. Celle-ci craignant de quitter le linge qu’elle blanchiſſoit, la fille du Charpentier lui dit d’en attacher les deux bouts à deux batons, & de laiſſer couler la leſcive d’elle-meme. La fille du Blanchiſſeur ſuivit ſon conſeil, & le linge ſut mieux blanchi. Le Roi charmé de voir ſon linge plus blanc qu’à l’ordinaire, demanda au Blanchiſſeur d’où cela venoit. Celui-ci lui répondit que c’étoit la fille de tel Charpentier qui avoit paſſé ſa leſcive, & le pria de la lui donner pour domeſtique. Le Roi lui accorda ſa demande, & les Charpentiers ſe croyant inſultés, ſe retirerent à Ceylan avec les Orſévres, les Serruriers ou Forgerons & les Fondeurs. Les instances que leur fit Scharan Peroumal pour les engager à revenir à la Côte, furent inutiles. Enfin, Thomas Knaye vainquit leur réſiſtance, & ce Monarque le récompenſa de ſes bons offices en lui donnant pour Moſſe la fille d’un Blanchiſſeur. Les Charpentiers, à leur retour à la Côte, furent accompagnés par un grand nombre de Tives qui s’y établirent, & qui ſont la tige de ceux qu’on y voit actuellement.

Ce Colloque du Roi avec ſon Blanchiſſeur, paroitra ſans doute ridicule, ainſi que la ſimplicité de cette fille, qui ne devine pas que les ſels ſe filtrant d’eux-mêmes, le linge doit être mieux blanchi : mais il faut faire attention que dans ce monde-ci tout eſt relatif. Les inventions les plus ſimples & les plus utiles ſont ſouvent dues au haſard ; & chez des Noirs qui trouvent que le blanc contraſte agréablement avec leur teint, une nuance plus fine dans cette couleur, paroît une découverte auſſi intéreſſante, que le ſeroit pour nous l’invention d’une nouvelle étoffe d’or, ou le ſecret de blanchir la ſoie à la maniere des Chinois[1].

  1. Tandis que j’étois à Calicut, le Topaye François me donna la route de Mahé à Cochin par le bord de la mer telle quelle ſuit, & je la vérifiai à mon