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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/292

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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

des Heureux doit être singulièrement situé, je l’avoue, pour toujours échapper à nos regards. Il serait peut-être bon de demander notre chemin.

— Oui, frère, occupons-nous des sentiers, si nous voulons qu’ils nous conduisent quelque part.

En ce moment, Sidoine et Médéric se trouvaient sur une grande route, non loin d’une ville. Des deux côtés s’étendaient de vastes parcs, enclos de murs peu élevés, au-dessus desquels passaient des branches d’arbres fruitiers, chargées de pommes, de poires, de pêches, appétissantes à voir, et qui auraient suffi au dessert d’une armée.

Comme ils avançaient, ils avisèrent, assis contre un de ces murs, un bonhomme d’aspect misérable. À leur approche, la pauvre créature se leva et vint à eux, traînant les pieds et grelottant de faim.

— La charité, mes bons Messieurs ! demanda-t-il.

— La charité ! lui cria Médéric ; mon ami, je ne sais où elle est. Seriez-vous égaré comme nous ? Vous nous obligeriez, si vous pouviez nous indiquer le Royaume des Heureux.

— La charité, mes bons Messieurs ! répéta le mendiant. Je n’ai pas mangé depuis trois jours.

— Pas mangé depuis trois jours ! dit Sidoine émerveillé. Je ne pourrais en faire autant.

— Pas mangé depuis trois jours ! reprit Médéric. Eh ! mon ami, pourquoi tenter une pareille expérience ? il est universellement reconnu qu’il faut manger pour vivre.

Le bonhomme s’était de nouveau assis au pied du