Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/244

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déflorées par le démon de leurs nuits : ce démon les a pressées dans ses bras, a fait frémir leur chair innocente, leur a donné, avant l’époux, les premières caresses. Elles ne sont plus vierges, elles n’ont plus la sainte ignorance.

Moi, je voudrais que l’épouse me vînt au sortir des mains de Dieu ; je la voudrais blanche, épurée, morte encore, & je l’éveillerais. Elle vivrait de moi, ne connaîtrait que moi, n’aurait de souvenirs que ceux qui lui viendraient de moi. Elle réaliserait ce rêve divin d’un mariage de l’âme & du corps, éternel, tirant tout de lui-même. Mais lorsque les lèvres de la femme connaissent d’autres lèvres, lorsque les seins ont frémi sous d’autres étreintes, l’amour ne peut être qu’une angoisse de chaque jour, une jalousie de chaque heure. Cette femme ne m’appartient pas, elle appartient à ses souvenirs ; elle se tord dans mes bras, songeant peut-être à d’anciennes tendresses ; elle m’échappe sans