Page:Zola - Travail.djvu/146

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— En bonne santé tout de même et sans trop de fatigue ? demanda Luc.

— Non, pas trop. J’ai pu dormir, heureusement. »

Mais Sœurette, après s’être assurée qu’on n’oubliait aucune des couvertures, emportées par précaution, arrivait à son tour. Elle n’était point jolie, petite elle aussi, pâle et sans teint, d’une insignifiance de femme qui se résignait à son rôle de bonne ménagère et de garde-malade. Pourtant, ses sourires tendres éclairaient d’un charme infini son visage effacé, où elle n’avait également de beaux que des yeux de passion, au fond desquels brûlait tout le besoin d’amour refoulé en elle, et qu’elle-même ignorait. Elle n’avait encore aimé que son frère, elle l’aimait en fille cloîtrée qui faisait à son dieu le sacrifice du monde. Et, tout de suite, avant de s’adresser à Luc, elle lui cria :

« Martial, fais attention, tu devrais mettre ton foulard. »

Puis, se tournant vers le jeune homme, elle se montra charmante, elle lui témoigna toute sa vive sympathie.

« Que d’excuses nous avons à vous faire, monsieur Froment, et qu’avez-vous pensé de nous, en ne nous trouvant pas, à votre arrivées… Au moins, vous êtes-vous bien installé chez nous, vous a-t-on bien soigné ?

— Admirablement, j’ai vécu en prince.

— Oh ! vous plaisantez !… En partant, j’avais eu grand soin de donner tous les ordres nécessaires, pour que rien ne vous manquât. N’importe, je n’y étais point, je ne pouvais surveiller, et vous ne sauriez croire le mauvais sang que je me suis fait, à l’idée de vous avoir abandonné ainsi, dans notre pauvre maison vide. »

On était monté en voiture, et la conversation continua. Luc acheva de les rassurer, en leur jurant qu’il avait passé deux jours des plus intéressants, qu’il leur conterait. Quand ils arrivèrent à la Crêcherie, bien que la nuit