Page:Zola - Travail.djvu/171

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coup dans une gloire. Et le flamboiement ne s’arrêtait pas là, la grande lueur d’aurore gagnait les environs, tirait des ténèbres la rampe des monts Bleuses, allait se refléter jusque sur les toits endormis de Beauclair, et se perdre au loin, dans l’immense plaine de la Roumagne.

« Elle est superbe, cette coulée », dit Jordan, qui étudiait la qualité de la fonte, à la couleur et à la limpidité du jet.

Morfain triomphait modestement.

« Oui, oui, monsieur Jordan, c’est du bon travail, comme on pouvait l’espérer. Je suis content tout de même que vous soyez venu voir ça. Vous n’aurez plus d’inquiétude. »

Cependant, Luc s’intéressait aussi à l’opération. La chaleur était si forte, qu’il en sentait la cuisson à travers ses vêtements. Peu à peu, toutes les moules s’étaient remplis, le sable fin de la halle se trouvait changé en une mère incandescente. Et, quand les dix tonnes de métal eurent coulé, il y eut encore, sortant du trou, une tempête dernière, une énorme poussée de flammes et d’étincelles : c’était la machine soufflante qui achevait de vider le creuset et dont le vent passait librement en une rafale d’enfer. Mais les gueuses se refroidissaient, l’aveuglante lumière blanche passait au rose, au rouge, puis au brun. Les étincelles avaient cessé, le champ des bluets d’azur et des épis d’or étaient moissonné. Et, rapidement, l’ombre retomba, les ténèbres noyèrent la halle, le haut fourneau, les constructions voisines, tandis que les fanaux semblaient rallumer leurs étoiles pâles. Et, l’on ne distingua plus qu’un groupe d’ouvriers vagues s’agitant, Petit-Da aidé de deux camarades rebouchant le trou de coulée avec un nouveau tampon de terre réfractaire, dans le grand silence de la machine soufflante qu’on venait d’arrêter, pour permettre ce travail.