Page:Zola - Travail.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Mais, lorsque Luc le remercia, il eut de nouveau le cœur meurtri par cette tranquille réponse  :

«  C’est bien simple, j’ai fait ce que je devais faire… N’importe, monsieur Luc, il faudra que je vous amène à mes idées. Autrement, nous finirons tous par crever de faim ici.  »

Et, à quelques jours de là, une autre rencontre acheva de l’assombrir. Il descendait justement du haut fourneau, avec Bonnaire lorsque tous deux passèrent devant les fours de Lange. Le potier s’était obstiné à ne pas quitter l’étroit terrain qu’on lui abandonnait, contre la rampe rocheuse, et qu’il avait entouré d’un petit mur en pierres sèches. Vainement, Luc s’était efforcé de le prendre avec lui, en lui offrant de diriger la creuseterie qu’il avait dû créer. Lange voulait rester libre, n’ayant ni Dieu ni maître, comme il disait. Il continuait donc, au fond de son trou sauvage, à fabriquer la poterie commune, les terrines, les marmites, les pots, qu’il promenait ensuite dans une petite voiture, par les marchés et par les foires des villages voisins. Lui tirait, la Nu-Pieds poussait. Et ce soir-là, tous deux rentraient justement d’une de leurs tournées, comme Luc et Bonnaire se trouvaient devant la porte du clos.

«  Eh bien  ! Lange, demanda cordialement le premier, ça va, le commerce  ?

— Toujours assez pour que nous ayons du pain, monsieur Luc. Je n’en demande pas davantage.  »

En effet, il ne promenait ses pots que lorsque le pain manquait. Et, le reste du temps, il s’oubliait à des poteries qui n’étaient pas de vente, il restait des heures à les regarder, les yeux remplis de rêve, en poète rustique dont la passion était de donner de la vie aux choses. Même les objets grossiers qu’il fabriquait, les marmites et les terrines, en gardaient une naïveté, une pureté de ligne, une grâce simple et fière. D’instinct, il avait retrouvé, sorti