Page:Zola - Travail.djvu/317

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«  Non, non  ! c’est assez, qu’on me fiche la paix  ! … Si vous êtes monté pour me parler de Ma-Bleue, monsieur Luc, vous avez eu tort, parce que c’est le sûr moyen de gâter les choses davantage. Qu’elle reste chez elle, je reste chez moi  !   »

Et, voulant rompre la conversation, il parla brusquement d’autre chose, il donna une mauvaise nouvelle, qui entrait pour beaucoup dans son atroce humeur.

«  Je serais peut-être descendu tout à l’heure, pour vous dire que je suis allé ce matin à la mine, et que l’espoir d’y retrouver le filon de minerai riche vient encore d’être déçu… Selon moi, on devait le rencontrer infailliblement au fond de la galerie dont j’avais indiqué la direction… Mais, que voulez-vous  ? c’est comme un mauvais sort jeté sur tout ce que nous entreprenons depuis quelque temps, rien ne réussit.  »

Cette parole retentit chez Luc, tel que le glas de ses grandes espérances. Un instant, il causa encore avec le père et fils, les deux colosses. Morfain le désespérait, comme le dernier témoin d’un monde disparu, avec sa tête énorme, sa face large, ravinée et roussie par le feu, ses yeux de flamme, sa bouche torturée, d’un rouge fauve de brûlure. Puis, il partit, il redescendit accablé d’une tristesse plus amère, en se demandant sur quel amas de ruines géantes, sans cesse accrues, il aurait à fonder sa ville.

À la Crêcherie même, dans l’intimité si calme, si tendre de Sœurette, Luc trouvait des causes de découragement. Elle continuait à recevoir l’abbé Marle, l’instituteur Hermeline et le docteur Novarre, et elle se montrait si heureuse d’avoir aussi, ces jours-là son ami à déjeuner, qu’il n’osait refuser l’invitation, malgré le sourd malaise où le jetaient les continuelles disputes de l’instituteur et du prêtre. L’âme paisible, Sœurette n’en souffrait pas, croyait qu’il s’y intéressait, tandis que Jordan, enveloppé