Page:Zola - Travail.djvu/334

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achèvera l’évolution de demain, menant l’homme à toute vérité et à toute justice… Mais c’était si beau, votre solidarité  ! De cette fenêtre, après mes bonnes heures de travail, je regardais pousser votre ville avec intérêt. Elle m’amusait, et je me disais que je travaillais pour elle et qu’un jour l’électricité en serait la grande force, l’ouvrière active et bienfaisante… Faut-il donc renoncer à tout cela  ?   »

Alors, Luc laissa échapper ce cri d’abandon suprême  :

«  Je suis à bout d’énergie, je ne me sens plus aucun courage, toute ma foi s’en est allée. C’est fini, je viens vous dire que j’abandonne tout, plutôt que d’exiger de vous un nouveau sacrifice. Voyons, mon ami, l’argent qu’il nous faudrait encore, oseriez-vous me le donner, aurais-je moi-même l’audace de vous en faire la demande  ?   »

Et jamais cri de désespoir n’était sorti si déchirant de la poitrine d’un homme. C’était l’heure mauvaise, l’heure noire, que connaissent bien tous les héros, tous les apôtres, l’heure où la grâce s’en va, où la mission s’obscurcit, où l’œuvre apparaît impossible.

Déroute passagère, lâcheté d’un moment, dont la souffrance est affreuse.

Jordan, de nouveau, eut son paisible sourire. Il ne répondit pas tout de suite à la question que Luc lui posait, en frémissant, au sujet des grosses sommes d’argent qui seraient encore nécessaires. D’un mouvement frileux, il ramena les couvertures sur ses membres frêles. Puis, doucement  :

«  Imaginez-vous, mon bon ami, que je ne suis pas non plus très content. Oui, ce matin, j’ai eu un véritable désastre… Vous savez, ma trouvaille pour le transport de la force électrique à bas prix et sans déperdition aucune  ? Eh bien  ! je m’étais trompé, je ne tiens absolument rien de ce que je croyais tenir. Ce matin une expérience de