Page:Zola - Travail.djvu/456

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Une semaine encore se passa. Le domestique, à présent, distinguait des mots dans le balbutiement confus de M. Jérôme. Puis, une phrase nette se forma, et il vint la répéter à Madame.

«  Oh  ! ce n’a pas été sans peine, Madame, mais je puis affirmer à Madame que Monsieur a encore répété ce matin  : «  Il faut rendre, il faut rendre.  »

Suzanne restait incrédule. Cela ne correspondait à rien. Il faut rendre quoi  ?

«  Écoutez mieux, mon ami, tâchez de mieux saisir les mots.  »

Le lendemain, le domestique fut plus affirmatif encore.

«  J’assure à Madame que Monsieur dit bien  : «  Il faut rendre, il faut rendre  », et cela vingt fois, trente fois de suite, d’une petite voix basse et continue, comme s’il mettait là toute la force qui lui reste.  »

Dès le soir, Suzanne prit la résolution de veiller elle-même le grand-père, pour se rendre compte. Le jour suivant, il ne put se lever. Tandis que le cerveau se dégageait, les jambes et bientôt tout le tronc furent envahis, comme déjà frappés de mort. Elle s’épouvanta, elle envoya de nouveau chercher Novarre, qui, impuissant, la prévint doucement que la fin approchait. Et, dès lors, elle ne quitta plus la chambre.

C’était une vaste chambre, garnie de tapis très épais, ornée de tentures très lourdes. Toute rouge, d’un luxe solide et un peu sombre, elle avait des meubles de palissandre sculpté, un grand lit à colonnes, une haute glace où tout le parc se reflétait. Quand les fenêtres étaient ouvertes, on apercevait, au-delà des pelouses, entre les cimes des arbres séculaires, un déroulement immense d’horizon, l’amas des toitures de Beauclair d’abord, puis les monts Bleuses au-delà, la Crêcherie avec son haut fourneau, et l’Abîme dont les cheminées géantes restaient debout.