Page:Zola - Travail.djvu/477

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tout ce qu’il aurait voulu de délicieusement tendre dans le monde. Elles s’occupaient des crèches, des écoles, des infirmeries, des maisons de convalescence, elles allaient partout où il y avait une faiblesse à protéger, une douleur à soulager, une joie à faire naître. Sœurette et Suzanne surtout acceptaient, ambitionnaient les plus ingrates besognes, celles qui exigent l’abnégation personnelle, l’entier renoncement  ; tandis que Josine, prise par ses enfants, par son foyer sans cesse élargi, se donnait naturellement moins aux autres. Elle était d’ailleurs l’amoureuse, la fleur de beauté et de désir, lorsque Sœurette et Suzanne n’étaient que les amies les consolatrices et les conseillères. Luc eut parfois encore de grandes amertumes  ; et, souvent, au sortir des bras de l’épouse, s’étaient les deux amies qu’il écoutait, qu’il chargeait de panser les blessures, heureuses de se donner toutes à l’œuvre commune de salut. C’était par la femme et pour la femme que la Cité nouvelle devait être fondée.

Et huit ans déjà s’étaient écoulés, lorsque Paul Boisgelin, qui accomplissait sa vingt-septième année, épousa la fille aînée de l’ouvrier Bonnaire, alors âgée de vingt-quatre ans. Lui, dès l’entrée des terres de la Guerdache dans l’association des Combettes, s’était passionné, avec l’ancien fermier Feuillat, non plus pour le gain que pouvaient rapporter ces terres, mais pour la fertilité de plus en plus grande des vastes champs qu’elles venaient élargir encore. Il s’était fait cultivateur, il dirigeait une des sections du domaine commun, dont il avait fallu diviser l’immensité en divers groupes d’une même et fraternelle famille. Et c’était chez sa mère, dans la petite maison de la Crêcherie, où il revenait coucher tous les soirs, qu’il avait connu Antoinette, qui occupait avec ses parents la maison voisine. Toute une liaison s’était nouée entre cette famille de simples travailleurs et l’ancienne héritière des Qurignon, devenue de train si modeste,