Page:Zola - Travail.djvu/490

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d’ordinaire que le souffle héroïque du travail. Autrefois, on avait tant peiné, tant souffert, dans le bagne noir sale et malsain, qui se dressait là et que la flamme avait emporté  ! Maintenant, le soleil, le plein air, la vie entraient librement. Et la ronde des noces allait et venait toujours autour des grands outils, les presses colossales, les formidables marteaux-pilons, les raboteuses géantes, d’aspect souriant sous leur décor de feuillages et de fleurs, tandis que les deux enfants qu’on mariait menaient le branle, comme s’ils étaient l’âme de ces choses, le lendemain de plus d’équité et de plus de fraternité, assuré par la victoire de leur longue tendresse.

Luc ménageait une surprise à Jordan, voulant le fêter lui aussi dont les travaux de savant allaient plus faire pour le bonheur de la Cité que cent années de politique. Quand la nuit fut noire, l’usine entière s’embrasa, des milliers de lampes l’inondèrent d’une gaie clarté de plein jour. C’était que les recherches de Jordan avaient enfin abouti, il venait de trouver, après bien des défaites, le transport de la force électrique, sans perte aucune, grâce à de nouveaux appareils, d’ingénieux moyens de transmission. Désormais, le charroi du charbon était économisé, on le brûlait au sortir même du puits, et les machines qui transformaient l’énergie calorifique en énergie électrique, l’envoyaient ensuite à la Crêcherie par des câbles spéciaux où la déperdition était nulle, ce qui, d’un coup, abaissait de moitié le prix de revient. Aussi était-ce une première grande victoire, la Crêcherie éclairée à profusion, la force repartie en abondance aux grands et aux petits outils, le bien-être augmente, le travail facilité, la fortune élargie. Et c’était en somme un pas nouveau vers le bonheur.

Lorsque Jordan, devant cette illumination de fête, eut compris l’intention affectueuse de Luc, il se mit à rire comme un enfant.