Page:Zola - Travail.djvu/505

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pourtant. Gourier, que la peur travaillait parfois, jetait à des idées cruelles, avait quelque peine à se faire une si aimable philosophie. Il s’était réconcilié avec son fils Achille, qui avait eu de Ma-Bleue dans leur nid d’amour si vaillamment conquis et défendu, une délicieuse fillette, Léonie, aux yeux bleus de lac bleu immense, de ciel bleu infini, les yeux de sa mère adorable  ; et, à présent, grande fille de vingt ans bientôt, bonne à marier, elle avait séduit le grand-père. Aussi se résignait-il à ouvrir sa porte au ménage irrégulier, ce fils révolté contre son autorité jadis, cette Ma-Bleue dont il parlait encore parfois comme d’une sauvagesse. Ainsi qu’il le disait, c’était dur pour un maire, le magistrat légal du mariage, d’accepter à son foyer un ménage révolutionnaire, marié sous les étoiles, par une nuit chaude, où la terre sentait bon Mais les temps étaient si étranges, il se passait de si extraordinaires choses, qu’une petite-fille charmante, née du libre amour impénitent, devenait un cadeau très acceptable.

Gaiement, Châtelard avait exigé la réconciliation, et Gourier, depuis que son fils lui amenait Léonie, était acquis un peu plus chaque jour à cette Crêcherie, demeurée quand même pour lui un foyer de catastrophes, malgré la nécessité où il s’était trouvé de mettre, lui aussi, sa grande cordonnerie en actions, et de syndiquer autour d’elle toutes les industries du vêtement.

Le président Gaume se fit attendre, ainsi que l’abbé Marle, et les Mazelle ne purent se tenir d’expliquer tout de suite leur cas au sous-préfet et au maire. Devaient-ils se résigner, devant le caprice déraisonnable de leur fille Louise  ?

«  Vous comprenez, monsieur le sous-préfet, dit Mazelle d’un air d’importance inquiète, en dehors du chagrin que nous causerait un pareil mariage, il y a le déplorable effet social, la responsabilité dont nous sentons