Page:Zola - Travail.djvu/510

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mourir dans le mensonge de son attitude rigide, de son visage austère et froid. Il reprit  :

«  N’attendez pas l’abbé Marle. Je viens de le rencontrer, et il m’a chargé de vous présenter ses excuses. Il courait à l’église chercher les saintes huiles, pour porter l’extrême-onction à la vieille Mme Jollivet, une tante de mon gendre, qui vient d’entrer en agonie… Le pauvre abbé, il perd là une de ses dernières pénitentes, il en avait des larmes dans les yeux.

— Oh  ! ça, que les curés soient balayés, c’est ce qu’il y a de bon dans l’affaire, dit Gourier, qui était resté un mangeur de prêtres. La République serait encore à nous, s’ils n’avaient pas voulu nous la prendre. Ils ont fini par pousser le peuple à tout bousculer et à être le maître.

— Pauvre abbé Marle  ! répéta pitoyablement Châtelard, il me fait de la peine dans son église vide, et vous avez bien raison madame Mazelle, de lui envoyer encore des bouquets pour la Vierge.  »

Il y eut un nouveau silence, l’ombre douloureuse du prêtre passa dans le clair soleil, dans l’odeur des roses. Il avait perdu, avec Léonore, sa paroissienne la plus fidèle, la plus chère. Sans doute, Mme Mazelle lui restait  ; mais elle n’était pas une croyante au fond, elle ne demandait à la religion que l’ornement, le certificat de bourgeoise bien-pensante. Et l’abbé n’ignorait pas son destin, on le trouverait mort à l’autel, un jour, sous les décombres de la voûte de son église, qui menaçait ruine, et qu’il ne pouvait faire réparer, faute d’argent. À la mairie comme à la sous-préfecture, on n’avait plus de fonds pour un tel travail. Il s’était adressé aux fidèles, en avait obtenu, à grand-peine, une somme dérisoire. Maintenant, il était résigné, il attendait la chute, en continuant à célébrer le culte, sans paraître savoir la menace d’écrasement, là-haut, sur sa tête. Son église se vidait,