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de n’avoir pas encore trouvé la façon de donner cent mille francs de rente à chaque citoyen.

— Nous les avons, les cent mille francs de rente, répondit plaisamment Bonnaire. Viens voir.  »

Et il le mena aux magasins généraux. C’étaient d’immenses granges, d’immenses greniers, d’immenses salles de réserve, où toute la production, toute la richesse de la Cité s’entassait. Chaque année, il avait fallu les agrandir, on ne savait plus où mettre les récoltes, on avait dû même ralentir la production des objets fabriqués, pour qu’un encombrement ne se produisît pas. Et nulle autre part on ne sentait mieux l’incalculable fortune dont un peuple était capable, lorsque disparaissaient les intermédiaires, les oisifs et les voleurs, tous ceux qui vivaient jadis du travail d’autrui, sans rien produire eux-mêmes. La nation entière au travail, avec sa tâche de quatre heures par jour, amoncelait une richesse si prodigieuse, que chaque habitant regorgeait de tous les biens, satisfaisait tous les désirs, ignorant désormais de l’envie, de la haine et du crime.

«  Voilà nos rentes, répétait Bonnaire, chacun de nous peut puiser ici, sans compter. Crois-tu que ça ne représente pas pour chacun cent mille francs de vie heureuse  ? Sans doute, nous sommes tous aussi riches, et cela, tu l’as dit, gâterait ton plaisir, la fortune ne comptant pas pour toi, si elle n’est pas assaisonnée de la misère des autres. Mais cela pourtant a un avantage, on ne court plus le risque d’être volé ou assassiné, un soir, au coin d’une rue.  »

Il indiqua aussi qu’un mouvement se produisait, en dehors des magasins généraux  : l’échange direct de producteur à producteur, provenant surtout des petits ateliers de famille, des machines à domicile. Les grands ateliers, les grands magasins sociaux finiraient peut-être par disparaître un jour, et ce serait un nouveau pas vers plus