Page:Zola - Travail.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il se mettait à la quatrième et dernière. Depuis vingt minutes, il était ainsi devant cette gueule vorace, la poitrine craquant dans la fournaise, les bras manœuvrant le lourd crochet, les yeux voyant clair à bien mener le travail, parmi l’éblouissante flamme. Il regardait fixement, au milieu du brasier, la boule d’acier en feu qu’il roulait d’un mouvement continu, il apparaissait grandi, tel qu’un fabricateur d’astres, créant des mondes, dans l’ardente réverbération qui dorait son grand corps rose, sur le fond noir des ténèbres. Et ce fut fini, il retira le ringard enflammé, il livra au compagnon les derniers cinquante kilos de la charge.

Le chauffeur était là, avec le petit chariot de fer, attendant. Armé de la pince, le compagnon saisit la boule, l’espèce de grosse éponge embrasée, poussée au flanc de quelque caverne volcanique ; et il la sortit d’un effort, la jeta dans le chariot, que le chauffeur poussa vivement jusqu’au marteau-cingleur. Déjà, un ouvrier forgeron l’avait reprise avec ses tenailles, pour la porter et la retourner sous le marteau, qui, tout d’un coup, entra en danse. Ce fut un étourdissement, un éblouissement. Le sol trembla, des volées de cloches passèrent, tandis que le forgeron, ganté et ceinturé de peau, disparaissait dans un ouragan d’étincelles. Par moments, les craches étaient si grosses, qu’elles éclataient dans tous les sens comme des boîtes à mitraille. Impassible au milieu de cette fusillade, il retournait l’éponge, la présentait sur toutes les faces, pour en faire le massiau, le pain d’acier qui serait ensuite livré aux laminoirs. Et le marteau lui obéissait, tapait ici ou tapait là, ralentissait ou accélérait les coups, sans qu’il parlât, sans qu’on pût même surprendre les ordres qu’il donnait d’un signe au pilonnier, assis en l’air, dans sa logette, la main au levier de mise en marche.

Luc, qui s’était approché, pendant que Bonnaire changeait de vêtements, reconnut le petit Fortuné, le