Page:Zola - Vérité.djvu/106

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de nous avoir mis une pareille affaire sur le dos !

Puis, lorsque David lui expliqua qu’il était pourtant venu à lui, si puissant, en comptant sur son aide pour faire éclater la vérité, il devint plus froid, il écouta d’un visage muet, qui se fermait peu à peu.

— Monsieur le baron, vous vous êtes toujours montré si bon pour moi… Alors, comme autrefois vous invitiez ici les magistrats de Beaumont, j’ai pensé que vous pourriez me renseigner. Vous connaissez entre autres, M. Daix, le juge d’instruction chargé de l’affaire, qui va, je l’espère bien, signer une ordonnance de non-lieu. Et peut-être avez-vous des nouvelles à ce sujet, sans compter que, si l’ordonnance n’est pas encore rendue, un mot de vous pourrait être précieux.

— Mais non ! mais non ! se récria Nathan, je ne sais rien, je ne veux rien savoir !… Moi, je n’ai aucune attache officielle, aucune influence ; et puis, ma qualité de coreligionnaire me paralyse, je me compromettrais, sans vous servir.. Attendez, je vais appeler mon gendre.

Silencieux, Marc se contentait d’écouter, n’étant venu que pour appuyer la démarche de David, à titre d’instituteur, collègue de Simon. Et il regardait aussi, sous le chêne voisin, ces dames, la comtesse Marie, comme on nommait la belle Lia, et la marquise de Boise, assises toutes deux, ayant entre elles le père Crabot, installé dans un fauteuil rustique, tandis que le comte Hector de Sanglebœuf, resté debout, achevait de mâchonner un cigare. La marquise, fine et jolie encore sous ses cheveux blonds pâlissants, qu’elle poudrait, s’inquiétait beaucoup d’un rayon de soleil, qui effleurait la nuque de la comtesse ; et celle-ci, dans sa beauté brune, paresseuse et superbe, avait beau la rassurer, lui jurer qu’elle n’en souffrait pas : elle finit par l’obliger à changer de place avec elle, en la comblant des petits noms de tendresse