Page:Zola - Vérité.djvu/257

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qui passeront de notre côté et nous aideront, lorsque nous aurons vaincu.

Il riait d’un air de grande indulgence. Il ajouta, redevenu grave et ému :

— Et, d’ailleurs, je fais de trop bonne besogne ici, pour désespérer. Vous le savez bien, mon enfant, je tâche de me faire oublier dans mon coin ; mais il n’est pas de jour où, tout doucement, en silence, je ne m’efforce de préparer l’avenir. Nous l’avons répété vingt fois ensemble : l’école de demain vaudra ce que vaudra l’instituteur. C’est l’instituteur laïque, l’instrument de vérité et de justice, qui seul peut sauver la nation, lui rendre son rang et son action dans le monde… Et ça marche, ça marche, je vous assure. Je suis très content de mes élèves. Sans doute, le recrutement se fait encore assez mal, tellement le métier apparaît ingrat, mal rétribué, méprisé, un destin de misère certaine. Cependant il y a eu davantage de concurrents, cette année. On espère que les Chambres finiront par voter des traitements raisonnables, permettant aux plus humbles des instituteurs de vivre avec dignité… Et vous verrez, vous verrez, lorsque, peu à peu, des maîtres sortiront d’ici, instruits pour être les apôtres de la raison et de l’équité, vous les verrez se répandre dans les campagnes, dans les villes, portant la bonne parole de délivrance, détruisant partout l’erreur et le mensonge, tels que des missionnaires de l’humanité nouvelle ! Alors, l’Église sera vaincue, car elle ne peut vivre et triompher que sur l’ignorance, et toute la nation se mettra en marche, sans entraves désormais, vers la Cité future de solidarité et de paix.

— Ah ! mon vieil ami, cria Marc, c’est le grand espoir, c’est ce qui nous donne à tous la force et l’allégresse de faire notre œuvre… Merci de la foi dont vous m’animez, je vais tâcher d’être sage et brave.

Les deux hommes se serrèrent énergiquement la main,