Page:Zola - Vérité.djvu/268

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elle est capable… Elle vous vendrait dix fois, pour être bien notée par son Mauraisin.

Et, en veine de confidences, il raconta comment, à plusieurs reprises, l’institutrice l’avait poussé à écouter aux portes, pour savoir. Il la connaissait, c’était une terrible femme, avec sa politesse exagérée, dure au fond et avare ; et, bien que pas belle, grande, osseuse, la face plate, tachée de rousseur, elle finissait par séduire tout le monde. Comme elle s’en vantait elle-même, elle savait faire. Aux anticléricaux, qui se fâchaient en lui reprochant de trop conduire ses fillettes à l’église, elle répondait qu’elle était forcée d’obéir aux désirs des parents, sous peine de perdre ses élèves. Aux cléricaux, elle donnait les gages les plus solides, et elle penchait visiblement en leur faveur, convaincue d’être ainsi du côté des plus forts, de ceux dont dépendaient les belles situations, même dans l’enseignement laïque. Mais, au fond, elle n’avait d’autre intérêt que le sien, simplement avec le bon Dieu pour qu’il s’occupât de ses affaires. Fille d’une fruitière de Beaumont, elle avait gardé l’âme du petit commerce, les accommodements et le lucre. Elle ne s’était pas mariée, voulant mener sa vie à son gré, et si elle ne faisait pas ses farces avec les curés, comme le méchant bruit en courait, il semblait acquis qu’elle avait des complaisances pour le beau Mauraisin, dont le goût de petit homme allait volontiers aux femmes taillées en gendarmes. De même, elle ne se grisait pas, bien qu’elle adorât les liqueurs ; et, quand elle était très rouge parfois, au début de sa classe de l’après-midi, cela venait de ce que, mangeant beaucoup, elle avait les digestions difficiles.

Marc avait eu un geste d’indulgence.

— Elle ne tient pas mal son école, dit-il. Je suis seulement désespéré de la direction étroitement religieuse qu’elle donne à son enseignement. Ce n’est pas un simple mur,