Page:Zola - Vérité.djvu/269

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ici, qui sépare les garçons des filles : c’est un abîme. Et, quand ils se retrouveront, à leur sortie, pour se marier, ils seront de deux mondes différents… N’est-ce pas, d’ailleurs, de tradition ? et la lutte des sexes, en grande partie, vient de là.

Il ne disait pas sa grande rancune, contre Mlle Rouzaire, la raison qui l’avait écarté d’elle, sans rapprochement possible, l’attitude abominable de cette femme dans l’affaire Simon. Il se la rappelait toujours, au procès de Beaumont, chargeant l’innocent de mensonges effrontés, l’accusant de donner aux élèves des leçons immorales et antipatriotiques, faisant le jeu de la congrégation avec une impudence tranquille. Aussi jamais les rapports entre elle et lui, après sa nomination à Maillebois, n’étaient-ils allés au-delà de la stricte politesse, nécessitée par leur voisinage. Pourtant, depuis qu’il avait affermi solidement sa situation et qu’elle n’espérait plus le voir culbuter d’un jour à l’autre, elle avait tenté un rapprochement, car elle n’était pas femme à tenir rigueur aux victorieux, dans la pensée qu’il fallait toujours être avec les forts. Et, surtout, elle manœuvrait pour se faire bien voir de Geneviève, qui la tenait à distance, partageant sur elle l’opinion de son mari.

Enfin, monsieur, conclut Mignot, méfiez-vous, je vous le répète. Si je l’avais écoutée, je vous aurais trahi vingt fois. Elle ne cessait de me questionner sur votre compte, en me disant que j’étais une bête et que je n’arriverais jamais à rien… Vous avez été si bon pour moi, vous ne vous doutez pas des vilaines choses dont vous m’avez sauvé, car on les écoute aisément, ces coquines, qui vous promettent tous les succès. Et, puisque j’ose vous parler de cela, excusez-moi si je me permets de vous donner un conseil. Vous devriez avertir Mme Froment.

— Comment, avertir ?

— Oui, oui, je n’ai pas mes yeux dans ma poche, je