Page:Zola - Vérité.djvu/288

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trois fillettes, s’installer à Maillebois, dans deux petites chambres sordides, où elle s’était mise tout de suite à faire courageusement de la couture, sans pouvoir gagner le pain quotidien. Marc la visita, la soutint, le cœur crevé de ce coin de pitoyable misère. Et il en gardait un remords, car l’affaire du crucifix qu’il avait décroché du mur de sa classe, semblait oubliée, au milieu de la grosse émotion soulevée par le sacrilège de Jonville et par la révocation qui s’en était ensuivie. Le Petit Beaumontais avait triomphé bruyamment, le comte de Sanglebœuf se promenait à Beaumont avec des attitudes de vainqueur, comme si les frères, les capucins, les jésuites, et le frère Fulgence, et le père Philibin, et le père Crabot, fussent devenus du coup les maîtres absolus du département. Et la vie recommença, la lutte allait reprendre, inexorable, sur un autre terrain.

Un dimanche, Marc fut surpris de voir sa femme rentrer, tenant à la main un livre de messe.

— Comment, tu vas à l’église ? demanda-t-il.

— Oui, répondit-elle simplement. Je viens de communier.

Il la regarda, pâlissant, envahi d’un froid brusque, d’un petit frisson qu’il s’efforçait de cacher.

— Tu pratiques maintenant, et tu ne m’as pas prévenu ?

Elle affecta de l’étonnement à son tour, très calme d’ailleurs, très douce, selon son habitude.

— Te prévenir, pourquoi ? C’est affaire de conscience… Je te laisse agir selon tes idées, je pense que je puis agir selon les miennes.

— Sans doute, mais tout de même, pour notre bonne entente, j’aurais voulu savoir.

— Eh bien ! tu sais à présent. Je ne me cache pas, tu le vois… Nous n’en resterons pas moins de grands amis, j’espère.